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Poussée de fièvre sur le cours du napoléon. En quatre jours, du 29septembre au 2octobre, son cours, coté par CPR-Or (Compagnie Parisienne de Réescompte), qui concentre plus de 90 % des transactions sur l’or physique - lingots et pièces -, est passé de 121 à 190, soit une augmentation de presque 60 %. Quant à la prime, qui mesure la différence entre le prix de la pièce sur le marché et sa valeur en or, à son plus haut, le 2octobre, elle a dépassé les 70 %. Dès le 3octobre, le cours du napoléon redescendait à 144, et la prime à 27 %.

La prime du napoléon mesure un rapport de force entre les acteurs d’un côté et les vendeurs de l’autre. Avec la crise financière et la récession économique qui commence, ce rapport s’est inversé.

«?Depuis des années, nous étions acheteurs à 98?%. La tendance s’est inversée. Actuellement, nous sommes vendeurs à 98?%?», explique Sébastien Canesson, de Cookson Clal, négociant en métaux précieux.

Depuis environ quinze jours, le montant d’or traité quotidiennement par CPR-Or a été multiplié, selon les jours, par cinq ou par dix. Actuellement, la CPR traite de 500 à 600kilos d’or par jour, dont 10.000pièces, surtout des napoléons. C’est sensiblement plus qu’il y a un ou deux mois. Mais, en valeur absolue, ce n’est pas beaucoup.

Le rebond est spectaculaire, mais le marché de l’or français est très étroit. Il suffit d’un petit déséquilibre entre l’offre et la demande sur le carnet d’ordres de la CPR pour que le cours s’emballe.

Et l’once d’or, cotée à Londres, en dollar, si elle est bien orientée à la hausse, n’a pas connu, loin de là, la même poussée spectaculaire que le napoléon.

Entre le 29septembre et le 2octobre, alors que le cours du napoléon bondissait de 60 %, celui de l’once d’or à Londres gagnait moins de 3 % !

D’ailleurs, le 2octobre, alors que la CPR cotait le napoléon 190, il valait 115 chez Cookson Clal, qui établit sa cotation en se contentant de répercuter le prix de l’once à Londres et donc achète et vend les pièces à leur valeur en or, ni plus ni moins.

Le retour vers l’or ne touche encore qu’une minorité d’épargnants ou d’investisseurs et porte sur des volumes limités. Il est donc abusif, dans l’immédiat, de parler de ruée vers l’or. En dépit du contexte, ce dernier n’a pas encore retrouvé sa valeur de placement refuge aux yeux de la majorité des épargnants.

«?Les clients qui viennent acheter de l’or aujourd’hui en ont déjà acheté dans le passé et connaissent le marché, témoigne Eric Joubert, installé rue Vivienne. Ils investissent leurs liquidités disponibles. On ne voit pas encore de clients qui soldent leurs portefeuilles ou vident leurs comptes pour acheter de l’or.?»

En outre, beaucoup de ceux qui poussent la porte d’un vendeur d’or ne sont encore que des curieux. «?Sur trois personnes qui franchissent mon seuil, explique François Ley, qui tient boutique face à la Banque de France, deux viennent pour s’informer, un seul pour acheter.?»

Alors, faut-il acheter de l’or ?

Du côté des gestionnaires de fortune, la stratégie en la matière n’a pas changé : à titre de diversification, les gros patrimoines doivent toujours avoir un peu d’or.

Mais, avertit Bertrand Lamielle, Directeur de la gestion de B*capital filiale de BNP Paribas, c’est à condition de ne pas en abuser. «?Attention à la notion de valeur refuge, car l’or est tout sauf une valeur tranquille. L’once d’or cotait 600€ au troisième trimestre2007, 1.000€ au début du premier trimestre2008, pour retomber à 850€ et remonter ensuite vers les 1.000€ au deuxième trimestre, redescendre à 750€ au milieu du troisième et coter à plus de 900€ aujourd’hui.?»

En outre, complète Bertrand Lamielle, «?les cours ont atteint des niveaux très élevés. Or, nous ne sommes sans doute pas loin du paroxysme de la crise. Il y a de grandes chances pour que la bulle sur l’or se dégonfle?». Gare à la fièvre donc !

Patrick Augier


Acheter de l’or physique

˜ Fiscalité

Depuis le 1 er janvier, les vendeurs d’or peuvent soit rester dans l’anonymat et acquitter une taxe de 8?% sur le montant de la cession, soit opter pour le régime des plus-values sur biens meubles: taxation à 27?% de la plus-value après application d’un abattement de 10?% par an à partir de la troisième année de détention. Pour exercer cette option, le vendeur doit pouvoir justifier de la date et du prix d’acquisition de l’or cédé.

˜ Frais

A l’achat comme à la vente, compter entre 0,75?% et 3?% de frais de courtage, selon le cours, le nombre de pièces ou de lingots, selon qu’il s’agit d’un achat immédiat ou d’un achat différé... et selon l’intermédiaire. A l’achat, les frais prennent parfois la forme d’une commission forfaitaire, de l’ordre de quelques euros par pièce.

Fort rebond. Le métal précieux continue de fluctuer au rythme du degré de panique enregistré sur les autres marchés. On constate d’ailleurs que ses évolutions ne sont plus aujourd’hui parallèles à celles du pétrole. Après avoir terminé la semaine précédente à 828$ à Londres, l’once d’or a nettement rebondi dès lundi, et, après une pause jeudi, est montée à 918$ vendredi matin à Londres ; elle s’est échangée momentanément à 931$, son cours le plus élevé depuis le 29juillet.