JDF |

Par Jérôme Barré - avocat associé au Cabinet Franklin


La loi de finances rectificative pour 2005 a instauré, à compter du 1er janvier 2006, une exonération progressive de certaines plus-values sur cessions de valeurs mobilières réalisées par les particuliers, en fonction de la durée de détention des titres.


La plus-value imposable est alors diminuée d'un abattement d'un tiers par année de détention des titres au-delà de la sixième, soit une exonération totale de plus-values (mais pas des contributions sociales au taux actuel de 12,1%!) sur les titres détenus depuis plus de huit ans. Ce régime permet donc un gain (aujourd'hui) de 18% sur la plus-value constatée et limite donc l'imposition globale (impôt sur le revenu et prélèvements sociaux) à 12,1% en lieu et place aujourd'hui de 30,1%.


Le dispositif prévoit que la durée de détention n'est décomptée qu'à partir du 1er janvier 2006. En pratique, l'abattement ne commencera donc à s'appliquer qu'à partir de 2012 et l'exonération ne sera effective qu'à partir de 2014.


Un cas spécifique est prévu pour les seuls dirigeants de PME qui souhaitent céder la totalité de leur entreprise et exercer leurs droits à la retraite. La date d'acquisition des titres retenue dans ce cas n'est en effet pas le 1er janvier 2006 mais la date réelle d'acquisition (article 150-0 D du CGI).


Ainsi, un dirigeant de PME cédant son entreprise en 2010 et liquidant simultanément ses droits à la retraite pourrait bénéficier, ainsi que son groupe familial, d'une exonération totale de plus-values lors de la cession de ses titres s'il les détient depuis plus de huit ans.


Les multiples conditions tenant tant au cédant (exercice de fonction de direction de manière continue au cours des cinq années précédant la cession et ayant donné lieu à une rémunération représentant plus de la moitié de ses revenus professionnels), aux titres cédés (cession en principe totale et concernant l'intégralité des titres détenus par le cédant) ainsi qu'à la société dont les titres sont cédés (société opérationnelle soumise à l'impôt sur les sociétés et répondant à la définition communautaire de PME) doivent être respectées.


On remarquera que ce régime en cas de départ à la retraite ne présente de réel avantage que dans l'hypothèse où les titres sont détenus depuis au moins huit ans. A défaut, la plus-value constatée lors de la cession de titres détenus depuis moins de six ans sera taxable à 100%, à 66,66% s'ils sont détenus depuis une période comprise entre six et sept ans et à 33,33% pour une période comprise entre sept et huit ans.


Certains chefs d'entreprise pouvant bénéficier de ce régime n'y trouveront pas toujours leur bonheur. En effet, il présente semble–t-il deux obstacles à son application naturelle:


Le premier émane du fait qu'il n'anticipe pas la transmission des actifs ou du patrimoine du cédant, tandis que le second découle de la condition selon laquelle le cédant ne doit plus détenir directement ou indirectement plus de 1% de la société à la suite de la cession.


La cession des titres permettra de bénéficier d'une charge fiscale allégée mais, au décès du cédant puis de son conjoint, le produit de cession subira les droits de succession. Aussi, il peut s'avérer opportun d'écarter le bénéfice de ce régime sur une partie des titres détenus en recourant au mécanisme de la donation cession. Ce dernier consiste, quelques temps avant la cession, et dans tous les cas avant qu'il y ait accord sur la chose et sur le prix, à donner les titres à ses ayants-droits.


Les titres supporteront les droits de donation à un taux marginal maximum de 20% (si le donateur a moins de soixante-dix ans) mais la cession des titres par les donataires permettra en général de ne constater qu'une faible plus-value. Cependant, ce mécanisme devra être manié avec d'infinies précautions afin d'éviter que l'arme fatale de l'abus de droit ne soit utilisée par les Jedi de l'Administration fiscale.


Nous avons indiqué que le bénéfice du régime de plus-value et départ à la retraite est notamment subordonné au fait que le cédant doit vendre la totalité de ses titres. Les autorités fiscales admettent néanmoins que le cédant puisse conserver –lui-même et son groupe familial- moins de 1% du capital de la société à l'issue de la cession.


Seulement, parfois, certains repreneurs (les fonds d'investissement en particulier) exigent que le manager/cédant réinvestisse une partie du fruit de la cession dans la holding de reprise, en vue de s'assurer en quelque sorte de la tangibilité de leur acquisition. Or, le régime de l'article 150-0 D du CGI ne permet pas de répondre favorablement à un tel schéma.


Aussi, il peut là encore être envisagé de recourir au mécanisme de la donation-cession. Les donataires pourront alors réinvestir le produit de cession des titres donnés par exemple par l'intermédiaire d'une société civile, les donataires ne pourront évidemment pas bénéficier du régime de faveur mais là encore, une moindre plus-value devrait être constatée.


Finalement, ce régime de faveur qui demeure attractif (j'en voie quand même qui font la fine bouche à cause de la CSG!) est bien utile pour ceux qui souhaitent bénéficier des plages de sable blanc, tout en sirotant suavement les économies accumulées après une vie de dur labeur. Mais, le bénéfice de ce magnifique avantage est conditionné par l'obtention de la retraite légale, dont l'anticipation se complique quelque peu par les temps que nous connaissons. Verra-t-on bientôt des hordes immenses de chefs d'entreprises au regard fou manifester Place de la Concorde contre le recul de l'âge du départ à la retraite?