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La crise a remis en cause bon nombre de dépenses... mais pas question de toucher au bien-être de nos amis les animaux. C'est la réflexion que l'on pourrait se faire au moment de découvrir les résultats 2009 des laboratoires de santé animale : 17 % de croissance des ventes pour l'américain Philbro, + 10 % pour Elanco, la filiale vétérinaire d'Eli Lilly, + 8 % pour la PME française Ceva... la liste est longue. Les produits vétérinaires affichent une curieuse résistance malgré leur non-remboursement. Certes, le marché mondial a reculé de 2,8 % en 2009, à 18,6 milliards de dollars, mais, selon le cabinet spécialiste Vetnosis, la croissance annuelle moyenne d'ici à 2014 restera de l'ordre de 5 %. Soit le même niveau que les prévisions du cabinet IMS Health pour la santé humaine.
Des tendances de fond positives
Cette résistance tient à la composition du marché réparti à parts presque égales entre animaux d'élevage (58 %) et animaux de compagnie (42 %). La forte augmentation de la consommation mondiale de viande soutient la demande de soins pour les animaux de «  rente Â». Le phénomène est particulièrement palpable dans les pays émergents, sous le double effet de l'explosion démographique et des changements d'habitudes alimentaires.
Par ailleurs, les impératifs sanitaires soutiennent le secteur, notamment lors de l'apparition d'épidémies animalières. Peu sensible à la conjoncture, le marché de l'élevage l'est plus aux crises sanitaires. « Les producteurs concentrent alors leurs efforts sur certains traitements, au détriment d'autres soins Â», précise Nicolas Montel, analyste chez Gilbert Dupont. Début 2009, Vétoquinol, l'un des deux spécialistes français, indiquait avoir observé une concentration des ressources des éleveurs sur les vaccins contre la fièvre catarrhale (maladie de la langue bleue).
Plus corrélé à l'environnement, le segment des animaux de compagnie a plutôt bien résisté. Certes, en 2009, il a reculé de 2,1 %, à 7,8 milliards de dollars, mais il devrait repartir à la hausse dès 2010, sous l'impulsion de nouveaux marchés. « Il était presque inexistant au Brésil il y a quelques années, explique Eric Marée, président du directoire de Virbac. Aujourd'hui, il représente 20 % de nos ventes dans ce pays. Â»
Le phénomène se propage à l'Asie, avec des marchés potentiels immenses (Inde, Chine...). Les animaux de compagnie n'y représentent encore que 2 à 3 % du marché, mais le segment pourrait exploser, surtout dans les grandes métropoles où les modes de vie et de consommation s'occidentalisent.
Faible concurrence des génériques
Au-delà de ces tendances de fond, certaines spécificités du secteur réduisent son exposition aux défis de l'industrie pharmaceutique traditionnelle. Non remboursés, les produits vétérinaires subissent une pression à la baisse sur les prix bien moindre que les médicaments humains, ce qui limite les attaques des fabricants de génériques. Les génériques des médicaments humains affichent des rabais de 40 à 60 % par rapport à leurs homologues brevetés. Une concurrence qui fait dégringoler en moyenne de 80 % les ventes de ces derniers lors de la perte du brevet. Dans la santé animale, la différence de prix se limite à 20 %.
La mise au point des nouveaux produits est aussi plus rapide que les dix ans nécessaires pour les médicaments traditionnels, car le secteur bénéficie des retombées des avancées thérapeutiques dans la santé humaine. Les groupes vétérinaires focalisent d'ailleurs leur attention sur la forme galénique (aspect physique) du produit, sur son mode d'administration et son packaging. Un aspect primordial, notamment, pour ces spécialistes du secteur.
Une stratégie de niche
Pour eux, les vétérinaires représentent une part importante des clients. Les pure players ont privilégié une relation de proximité et de fidélité avec ces praticiens, et développé une gamme très diversifiée de produits de niche. Cette stratégie limite leurs marges, les efforts commerciaux et de recherche étant bien plus importants, mais favorise la résistance en temps de crise. En France, Virbac et Vétoquinol oscillent entre 11,5 et 12,5 % de marge opérationnelle courante, contre plus de 25 % (voire 30 % sur certains produits de Merial) pour les géants pharmaceutiques. Mais ils ont maintenu en 2009 leur rentabilité et augmenté leur chiffre d'affaires, alors que des géants comme Novartis ou Bayer faisaient du surplace.
Des opportunités boursières
La santé animale a donc encore de beaux jours devant elle. Sanofi-Aventis a mis plus de 4 milliards de dollars sur la table en 2009 pour s'offrir les 50 % de Merial qu'il ne détenait pas encore... avant de créer une nouvelle coentreprise avec Merck : Intervet/Merial, le nouveau leader mondial du secteur. A la suite de cette fusion, de nouvelles cessions d'actifs (entre 500 et 700 millions de dollars) devraient intervenir, après celles de Pfizer, Wyeth et Schering-Plough.
De quoi aiguiser l'appétit des petits acteurs. En France, Vétoquinol rappelait début 2009 que 20 % du marché était encore aux mains de petits groupes, et la direction vient de chiffrer à 140 millions ses liquidités disponibles pour des opérations de croissance externe. Virbac n'a pas non plus caché ses ambitions pour se placer dans la course.
Ces opportunités constituent un important réservoir de croissance pour les acteurs du secteur. « D'où l'intérêt retrouvé du marché pour ces valeurs, conclut Nicolas Montel. La santé animale s'est toujours payée beaucoup moins cher que la pharmacie classique (10 à 12 fois les bénéfices, contre 25 fois) alors qu'elle est aussi défensive. On assiste à une réévaluation totale du secteur. Â» A 83 euros, Virbac a aujourd'hui largement dépassé son plus haut historique. Et Vétoquinol semble filer droit vers cette même performance (30 euros).
Jouer le thème de la santé animale via les big pharmas semble prématuré, les activités vétérinaires ne représentant encore qu'une diversification parmi d'autres de leurs activités. En revanche les laboratoires spécialisés méritent d'être étudiés attentivement (voir ci-contre).
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