JDF |

La rente viagère immobilière, la plus ancienne des retraites au monde, renaît. Les vendeurs sont en effet de plus en plus nombreux, pour plusieurs raisons : stagnation des retraites classiques, performances moindres des placements financiers, allongement de l'espérance de vie. Parallèlement, les dépenses des retraités sont chaque année plus élevées. Entre les charges de copropriété et les dépenses de santé, les comptes ont tendance à basculer dans le rouge.
Encore faut-il convaincre les acquéreurs d'effectuer de telles opérations. Car la durée du viager, liée à l'espérance de vie, augmente chaque année, et la rente est indexée sur le coût de la vie. Par ailleurs, un contexte de taux d'intérêt bas rend une simple opération à crédit très attrayante, ce qui concurrence l'option viager. Enfin, celle-ci ne bénéficie pas des avantages fiscaux liés aux opérations d'investissement locatif dans le neuf.
Dès lors, ce marché reste très marginal. Il représente aujourd'hui moins de 1 % des ventes immobilières. Pourtant, une acquisition en viager n'est pas dénuée d'atouts.
Le viager libre, une denrée rare
Le viager libre, souvent recherché par les acquéreurs, est rare ; il ne représente que 5 % du marché du viager. Les vendeurs peuvent avoir intérêt à y recourir pour éviter les soucis et le coût d'une gestion locative. Le viager offre une plus grande sécurité et une fiscalité plus légère (même si elle est encore trop lourde : voir notre prochain article consacré à la fiscalité) que celle des revenus fonciers.
A quel âge peut-on envisager de vendre en viager  libre ? L'opération est réaliste à partir de 60 ans, dès l'instant où le vendeur accepte un bouquet et une rente modeste. A 65 ans, le taux de rente sera de l'ordre de 6 % par an pour un crédirentier et de 5 % par an pour une crédirentière.
L'âge optimal se situe cependant entre 70 et 80 ans : au-delà, le taux de rente viagère est très élevé et peut-être difficilement supportable pour l'acquéreur. Les mensualités sont alors supérieures à celles d'un prêt classique, dont la durée sera théoriquement plus longue que l'espérance de vie du vendeur, sauf exception ! En fait, plus l'âge est élevé, plus le bouquet devrait être important. Attention, toutefois, celui-ci ne pourra pas être financé par un prêt bancaire avec comme garantie le bien acheté : le vendeur bénéficie d'un privilège de vendeur assorti d'une clause résolutoire incompatible avec les garanties bancaires classiques.
De son côté, l'acquéreur peut avoir intérêt à investir en viager pour plusieurs raisons. Si le vendeur est jeune, la rente versée sera souvent proche d'un loyer. Elle permettra ainsi à l'acheteur de devenir propriétaire, alors que, avec un prêt bancaire, la charge financière serait plus lourde dans un premier temps. Un avantage aujourd'hui restreint, la faiblesse des taux d'intérêt permettant de réduire le montant des mensualités.
Autre version, cette fois beaucoup plus usitée, le viager occupé, qui représente 95 % du marché. Il permet au vendeur de continuer à vivre dans son habitat, tout en recevant un bouquet (comptant) vivement conseillé et une rente viagère indexée sur le coût de la vie, mais aussi d'alléger ses charges de propriétaire. Dans la quasi-totalité des cas, il ne supportera plus que les charges dites locatives.
L'âge optimal pour vendre se situe au-delà de 75 ans. Bien entendu, l'opération peut être effectuée avant. Le bouquet et la rente seront alors modestes, considérant la longue espérance de vie des vendeurs. Un complément de rente devra être prévu en cas de libération anticipée.
L'opération viagère peut également être intéressante pour l'acquéreur. Il s'agit d'une opération à moyen ou long terme dont le coût devra cependant être facilement supportable, considérant les inconnues liées à l'espérance de vie du vendeur et à l'indexation de la rente. En outre, il évitera les soucis traditionnels de gestion locative et la lourde fiscalité des revenus fonciers. Après la disparition du vendeur, il pourra revendre soit au comptant, soit à son tour en viager.
Une fiscalité spécifique
Car si la vente en viager suppose l'aliénation du bien, ce qui n'est pas un moindre inconvénient, elle permet non seulement de conserver la jouissance du bien, mais aussi de bénéficier d'une fiscalité moins dissuasive que celle des revenus fonciers classiques. En effet, seule une fraction de la rente viagère constituée à titre onéreux est imposable.
Cette fraction est déterminée d'après l'âge du crédirentier lors de l'entrée en jouissance de la rente (et non à la date d'aliénation), et fixée à :
- 70 % si l'intéressé était âgé de moins de 50 ans ;
- 50 % s'il était âgé de 50 à 59 ans inclus ;
- 40 % s'il était âgé de 60 à 69 ans inclus ;
- 30 % s'il était âgé de plus de 69 ans, c'est-à-dire à 70 ans révolus.
Autrement dit, les personnes qui commencent à percevoir leur rente après leur soixante-dixième anniversaire bénéficient d'un abattement de 70 %. En outre, si la rente a été constituée sur la tête de deux époux avec réversibilité au profit du survivant, il est admis de retenir, pour la fraction imposable de la rente, l'âge de l'aîné au moment de l'entrée en jouissance de la rente viagère. Les prélèvements sociaux (12,1 %) s'appliquent également uniquement sur la fraction imposable de la rente. 
NOTRE CONSEIL
Une opération viagère est complexe, tant sur le plan des calculs que sur le plan juridique

et fiscal, pour chacune des parties, qui sont engagées sur une longue période. Que vous soyez acheteur ou vendeur, adressez-vous impérativement à un vrai spécialiste, bénéficiant d'une longue expérience, avant de signer. Pour en savoir plus : Viagers, régime juridique et fiscal (51 euros, 226 pages), aux éditions Dalloz (Delmas), de Michel Artaz (www.ipviager.com).