A première vue, l'explication parait simple. La crise actuelle trouve son origine dans l'éclatement d'une bulle immobilière aux Etats-Unis. Pendant sept ans, de janvier 1999 à juin 2006, les prix de l'immobilier ont grimpé en flèche (+151%), aidés par une politique très accommodante en matière de taux d'intérêt, alors que l'inflation et le niveau de vie des Américains est resté faible (+23%). Pour pouvoir devenir propriétaire, les Américains ont du s'endetter comme jamais. Lorsque l'immobilier s'est retourné, la vente de leur bien immobilier ne suffisait plus pour rembourser les dettes. De nombreux américains se sont retrouvés sur la paille, et avec eux les organismes prêteurs, peu regardant sur leur solvabilité ainsi que toutes les banques qui avaient investi sur ces titres de dettes.
Pourtant, l'éclatement de la bulle immobilière n'explique pas à lui seul l'ampleur de la crise. Ce n'est pas la première fois que l'on assiste à l'éclatement d'une bulle. L'immobilier, comme l'économie, est cyclique. Son évolution connait des hauts et des bas. Au cours des quarante dernières années, il y a eu d'autres bulles immobilières, avec des pics en 1979, et en 1989, mais elles n'ont pas débouché sur l'effondrement du système financier.
Un changement dans le calcul de l'inflation
Dans un article paru cette semaine, le Wall Street Journal avance une explication surprenante. Il se pourrait qu'Alan Greenspan, alors Président de la Fed, et réputé pour être très accommodant, ait été amené à sous-estimer l'inflation, en raison d'un changement en apparence infime, dans le mode de calcul de la composante prix immobilier opéré en 1983. A partir de cette date, le Bureau de la Statistique (Bureau of Labor Statistics), ne s'est plus basé sur les prix d'accession à la propriété pour le calcul de la composante prix de l'immobilier de l'inflation, mais sur le loyer du locataire. Or, avec le temps, l'écart s'est considérablement creusé entre les prix à l'accession et les prix à la location.
De 1983 à 1996, le ratio entre le prix et le loyer a peu évolué, passant de 19 à 20,2, ce qui n'a guère influé sur la mesure de l'inflation finale. Durant cette période, le CPI n'a sous-estimé l'inflation que de 0,1% de point par an. Mais entre 1999 et 2006 l'écart entre les loyers et les prix de l'accession à la propriété s'est creusé, le ratio passant de 20,8 à 32,3 euros.
En conséquence, c'est une grande partie de la hausse des prix immobiliers qui a échappé à la mesure de l'inflation. En 2004, à lui seul, le «Price to Rent Ratio» a bondi de 12,3%. L'inflation durant cette année était sous estimée de 2,9% de points, (en considérant que l'Owner Equivalent Rent entre pour 23% dans le calcul du CPI). En tenant compte de l'ancien mode de calcul basé sur le cout de l'accession à la propriété, l'inflation aurait été de 6,2%, au lieu de 3,3%.
Avec un taux d'intérêt nominal autour de 6%, et une inflation autour de 6%, le taux d'intérêt réel se situait proche de zéro. En d'autres termes, le crédit était gratuit. C'est à partir de là que l'immobilier a commencé a grimper en flèche. L'indice Case Shiller qui mesure les prix dans les dix plus grandes villes, montre que l'immobilier a bondi de 151% entre janvier 1999 et juin 2006, alors que dans le même temps l'inflation mesurée par le CPI a grimpé de seulement 23%. Comme la Fed a indexé sa politique sur l'inflation au début de la décennie, elle a poursuivi sa politique laxiste en matière de taux.
En mai 2004, l'indice S&P Case Shiller, avait bondi de 15,4%, au cours des douze mois précédents. Pourtant, dans le même temps, la composante immobilier de l'indice CPI (Consumer Price Index), qui mesure l'inflation, n'avait grimpé que de 2,4%. Même lorsque la Fed s'est enfin décidée à remonter ses taux en 2004, le taux moyen est resté bas et la bulle a continué à gonfler pendant deux années supplémentaires.
Les prêts hypothécaires stimulés par la Fed