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Certains groupes choisissent leur nouveau patron chez les concurrents, pour mieux les déstabiliser. Carrefour innove : il a pioché le sien chez l'un de ses principaux fournisseurs. Le 1er janvier 2009, Lars Olofsson, qui a fait l'essentiel de sa carrière chez Nestlé, prendra les commandes du deuxième groupe de distribution mondial, en lieu et place de José Luis Duran, l'actuel directeur général. Ce dernier n'était pas en odeur de sainteté auprès du conseil d'administration et de son président Amaury de Sèze, ni auprès du principal actionnaire, Blue Capital, le fonds d'investissement détenu à parité par Bernard Arnault et Colony Capital. L'avertissement sur les résultats formulé en juin et la faiblesse de l'action ont mis la pression sur José Luis Duran, donné partant à plusieurs reprises depuis cet été. Mais l'ancien directeur financier du groupe avait tenu bon. Le rebond des ventes au troisième trimestre, dans un contexte de ralentissement généralisé de la consommation, avait même semblé lui offrir un sursis. Mais la décision était prise depuis longtemps par les nouveaux maîtres du géant français de la distribution. La réticence de José Luis Duran à appliquer les directives stratégiques soufflées par l'actionnaire principal agaçait. Le directeur général était en désaccord avec la stratégie de rentabilisation à marche forcée des actifs du groupe. José Luis Duran n'a jamais caché sa réticence au projet de création et d'introduction en Bourse de la foncière Carrefour Property, essentiel à une meilleure valorisation du groupe. Si le sort du directeur général semblait donc scellé, restait à trouver la bonne personne pour le remplacer. Le profil de Lars Olofsson est, à ce titre, intéressant. Son expérience chez Nestlé, géant de l'agroalimentaire, peut s'avérer précieuse en termes de négociations entre fournisseurs et distributeurs. La réputation d'« homme de marques » qui accompagne le futur dirigeant de Carrefour est également un avantage. Directeur général chez Nestlé, en charge de la stratégie, des ventes et du marketing, Lars Olofsson est considéré comme l'un des artisans du succès de Nespresso, la célèbre marque de café du groupe suisse. C'est un atout non négligeable pour le groupe Carrefour, dont les chantiers marketing et commerciaux sont nombreux. Carrefour peine en effet à modifier son image de marque auprès des consommateurs (prix chers) et à développer sa marque propre. Le nouveau dirigeant pourrait aussi accélérer la conversion des enseignes Champion en Carrefour Market, un projet qui a pris du retard. La réadaptation des formats de magasins Carrefour sera également étudiée de plus près. Le concept d'hypermarché devient de plus en plus obsolète. Et le groupe songe à réduire ses grandes surfaces au profit des supermarchés, plus adaptés en temps de crise. La gestion du patrimoine immobilier du groupe, via Carrefour Property, devrait en outre être facilitée. Analystes et investisseurs ont salué cet apport de « sang neuf » à la tête de la société. Le titre a bondi de 3,5 % mardi 18 novembre. Une maigre consolation pour les actionnaires principaux de Carrefour. Depuis son entrée au capital en mars 2007, Blue Capital a vu son investissement fondre de près de 50 %.
NOTRE CONSEILNous restons à l'achat, à titre spéculatif, avec un objectif de cours abaissé à 45 euros (code : CA, Comp. A, SRD). Les défis qui attendent la nouvelle direction restent importants.