JDF |

Selon les manuels d'économie, le niveau des taux à court terme doit, en période de croissance du produit interieur brut (PIB), être plus faible que celui des taux à long terme. L'explication relève du bon sens. Le risque de défaillance de la personne ou de l'entité à qui l'on prête de l'argent étant croissant à mesure que la durée du crédit s'allonge, le prêteur demande une rémunération plus élevée pour un prêt sur dix ou vingt ans que pour un prêt d'argent sur quelques jours ou quelques mois. En théorie, une courbe des taux dite « normale » veut que le niveau des taux à très court terme soit donc bien inférieur à celui des taux à long terme. On parle de pentification de la courbe des taux. Une théorie mise à mal Depuis plus d'un an, cette théorie économique est mise à mal. Sur le marché interbancaire, lieu virtuel ou les banques se prêtent de l'argent entre elles, la courbe des rendements s'est totalement inversée. Le 1er octobre, l'Euribor 3 mois, qui rémunère donc les prêts à trois mois, a vu son niveau monter à 5,28 %, contre seulement 4,35 % sur les maturités à 10 ans... « Cette situation exceptionnelle traduit le besoin insatisfait de liquidités à court terme par une poignée d'acteurs bancaires, explique Jean-Louis Mourier, économiste chez Aurel BGC. Comme personne ne veut prêter à son voisin en raison des soupçons qui pèsent sur les bilans des établissements financiers, le marché est grippé et les rendements s'envolent. » Paradoxe de la situation, ce ne sont pas les liquidités qui manquent aujourd'hui, c'est la confiance. Les banques n'osent plus se prêter d'argent. Celles qui ont des liquidités préfèrent les placer sur un marché moins risqué, comme par exemple les emprunts d'Etat, seule entité qui ne peut pas faire faillite. « La première mouture du plan Paulson était une réponse à ce manque de confiance. Il permettait de donner un prix à ces actifs toxiques, et donc de rassurer sur l'état des bilans bancaires », ajoute l'économiste. En attendant un retour de la confiance sur le marché interbancaire, c'est le fly to quality qui prévaut. Les détenteurs de liquidités, et ils sont nombreux, cherchent des actifs de qualité. Ils investissent dans des obligations d'Etat, d'où une nette détente des taux proposés sur les emprunts américains (et en partie européens), surtout sur la partie courte de la courbe. Le signe annonciateur d'une récession économique Si l'inversion de la courbe des taux est le reflet d'une crise bancaire profonde, c'est aussi le signe annonciateur d'une récession économique (deux trimestres consécutifs de baisse du PIB). Cette théorie vient à nouveau de se confirmer. Après avoir chuté de 0,3 % au deuxième trimestre, l'activité économique française connaît son deuxième trimestre de baisse consécutif, avec un recul de 0,1 % du PIB (lire également page 4).