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Impressionnant ! Depuis son premier vrai coup de Bourse en 1996, Romain Zaleski ne s'est presque jamais trompé. Il avait alors fait un gros pari sur Falck-Sondel, un sidérurgiste reconverti dans l'électricité. Bingo ! Trois ans après une bataille épique avec Compart (ex-Montedison), il empoche une plus-value de 300 millions d'euros. Zaleski et ses proches ont de la suite dans les idées, puisqu'ils réinvestissent dans le géant Montedison. Et ce n'est pas fini. Grâce à la vente à EDF de sa participation dans la holding Italenergia, actionnaire majoritaire du nouvel Edison, Romain Zaleski finit par dégager une plus-value de 1,4 milliard d'euros. Ce trésor de guerre sera ensuite réutilisé de manière habile. Anticiper les grandes tendances En plus de sa sélection drastique des sociétés dans lesquelles il investit, Zaleski a su anticiper les grandes tendances. Après tout, son premier pari dans l'énergie a déjà douze ans... Autre fait marquant, il croit depuis longtemps aux matières premières. Son entrée dans Eramet, producteur de nickel et de manganèse, date de 1999, et il était déjà présent au sein de la Comilog depuis bien plus longtemps. Croire en sa bonne étoile Son obstination est sa marque de fabrique. Achetés aux environs de 40 euros, ses titres Eramet tombent à 15 euros en 2002. Mais Zaleski ne lâche pas. Bien lui en a pris : l'action vaut aujourd'hui 339 euros. Il se murmure même que Zaleski aurait profité des pics de la valeur pour s'alléger et de ses creux pour se renforcer. Des allers-retours qui mettent du beurre dans les épinards. Romain Zaleski peut aussi saisir une opportunité à court terme. Lorsqu'il apporte ses actions à l'offre de Mittal sur Arcelor, il choisit avant tout la solution la plus rapide et la plus profitable pour lui. C'est aussi un pied de nez à Guy Dollé, le président d'Arcelor. Ce dernier n'a jamais pris la peine de l'appeler alors qu'il montait au capital du sidérurgiste. Pour le moment, sa holding Carlo Tassara International perd de l'argent sur Vinci, dont il détient 3,4 % du capital. Loin de se décourager, l'homme d'affaires franco-polonais croit toujours en la valeur. C'est surtout le modèle économique des concessions qu'il apprécierait. Vinci pourrait aussi combler son goût pour le secteur énergétique. Trop peu de financiers le soulignent, mais le groupe réalise 14 % de ses facturations dans l'énergie. Utiliser la dette comme un levier Romain Zaleski le sait mieux que personne, le recours à la dette est une bonne manière de s'enrichir. L'empire Carlo Tassara serait endetté à hauteur de 7 milliards d'euros, dont 2,2 milliards pour Carlo Tassara International seul. Romain Zaleski a d'ailleurs su entretenir avec habileté les liens avec ses banquiers. Carlo Tassara est actionnaire de nombreux établissements transalpins. Il y a bien sûr Intesa Sanpaolo, mais aussi des banques moins connues comme UBI Banca ou Banca Monte Paschi di Siena. Cela facilite sans doute les négociations. La qualité des participations détenues, l'historique de succès dans les investissements réalisés et la bonne santé de la branche sidérurgie sont aussi des arguments de poids à faire valoir. Pour peu qu'elle soit maîtrisée, la dette a un double intérêt. Elle permet d'abord d'acquérir des participations bien plus importantes. Surtout, elle peut être remboursée avec les dividendes versés par la société dont on détient des actions. Etre bien entouré et bien conseillé Romain Zaleski a su bâtir un empire grâce à des proches qui lui sont fidèles. Sa fille, Hélène Zaleski, préside déjà Carlo Tassara International. Elle travaille depuis 1994 avec son père et s'occupe cette année du lancement d'Alior Bank en Pologne. Son ambition est d'en faire l'un des dix premiers établissements du pays. Hélène Zaleski a négocié cette année la vente de 25 millions d'actions ArcelorMittal. Mario Cocchi est aussi un fidèle parmi les fidèles. Après avoir été repéré par Zaleski au début de son aventure italienne, il a participé à tous les coups. Mario Cocchi a notamment été administrateur du groupe énergétique Edison. Le directeur financier Claude Le Monnier manie avec aisance les chiffres et bénéficie de la confiance de Zaleski. Dans les affaires, l'ingénieur-financier s'est trouvé quelques mentors. Parmi eux, on retrouve Giovanni Bazoli, le patron de la banque Intesa Sanpaolo. Ce dernier lui prête de l'argent pour faire ses coups et Zaleski apprécie ses conseils. Avoir de bonnes relations avec l'Etat Zaleski n'a été mêlé à aucun scandale et son image reste intacte. Récemment, il se disait même dans les coulisses de l'Elysée que son attitude a été très appréciée dans le dossier concernant la fermeture de l'usine sidérurgique de Gandrange. Son insistante pression auprès de Mittal a permis d'obtenir des conditions de reclassement très appréciables pour les salariés du site lorrain. L'Elysée pourrait compter sur Carlo Tassara pour devenir l'actionnaire de référence de sociétés stratégiques. Les financiers de ce calibre ne sont pas si nombreux. Nul doute qu'en cas d'ouverture du capital d'Areva il regardera le dossier. Toujours habile, Zaleski est déjà présent au capital d'EDF avec environ 0,5 % du capital. Il a aussi réussi à faire payer très cher la prise de contrôle d'Edison par le groupe français et a encaissé au passage une belle plus- value. En haut lieu, malgré des articles de presse négatifs, les dirigeants ont laissé faire. Il faut dire que Zaleski soulignait l'intelligence de François Roussely, l'ancien président d'EDF... Rester discret et modeste Romain Zaleski ne fait guère parler de lui. Il évite soigneusement les déclarations fracassantes dans la presse. A ce jour, Carlo Tassara ne dispose pas de site Internet. Seule sa filiale Metalcam en a un. De toute façon, Carlo Tassara est une société non cotée. Elle ne rend des comptes qu'à ses actionnaires. En regardant la répartition du capital (voir ci-contre), on comprend que les dirigeants de Carlo Tassara ont les mains libres pour mener leur politique d'investissement. Les amateurs de bridge savent que Romain Zaleski occupe régulièrement des places de choix dans les tournois internationaux. Contrairement à de nombreux joueurs de bridge, il ne s'est pas laissé séduire par les sirènes du poker. En juillet, Zaleski était à Biarritz avec son partenaire Faigenbaum. Il a fini dixième du tournoi Open et s'est laissé prendre en photo comme un anonyme. Sérieux dans ses choix financiers, Romain Zaleski reste par-dessus tout un joueur. Et il a tous les atouts en main pour continuer à gagner.