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Gilles Schnepp est un homme sobre. Son bureau est immaculé, ses cheveux soigneusement coiffés de part et d'autre d'une raie sur le côté, costume impeccable. D'apparence calme, le P-DG de Legrand parle difficilement de lui. « L'entreprise est la vedette, tout vedettariat serait pour moi orgueilleux et déplacé », explique-t-il. Une simplicité essentielle pour ce Lyonnais d'origine alsacienne, très à l'aise à Limoges, le fief de Legrand. Le P-DG est une personne rigoureuse dont la plus grande fierté est la réorganisation de son groupe en divisions, conduite en 2002 avec François Grappotte, aujourd'hui président d'honneur de Legrand, et Olivier Bazil, actuel vice-P-DG délégué, après l'échec de la fusion avec Schneider.
Derrière son naturel discret, se cache en effet un être passionné par Legrand et prêt à lui sacrifier beaucoup. Souvent décrit comme un financier à cause de son début de carrière chez Merrill Lynch, Gilles Schnepp se considère plutôt comme un commercial certain de la valeur de Legrand et avide de partager. Le contact avec les clients fait même partie de ses occupations préférées. Il évoque ainsi un voyage d'affaires au Brésil où il a exigé d'être à l'accueil trente minutes avant le début de l'événement pour accueillir les 300 clients. « Ce jour-là, j'ai serré 1.500 doigts », plaisante-t-il.
Ce caractère exigeant est peut-être l'une des clés de la réussite rapide de Gilles Schnepp. Arrivé chez Legrand en 1989 comme adjoint au directeur financier, il a gravi les échelons de l'équipementier jusqu'à en devenir le P-DG en 2006, à 47 ans. « J'ai été séduit par les hommes qui composaient Legrand, j'ai senti que j'étais arrivé dans une entreprise pas comme les autres », se rappelle-t-il. Olivier Bazil, qui a été le « parrain » de Gilles Schnepp dans le groupe, se souvient de ce recrutement : « Il était très jeune [Ndlr : 30 ans], donc nous ne pouvions pas imaginer un tel parcours. Mais c'était une personne qui avait envie de changement et apprenait vite. » Olivier Bazil est désormais le principal collaborateur de Gilles Schnepp. Les deux dirigeants travaillent en tandem et assurent qu'il n'y a aucune rivalité entre eux. Il suffit de les voir pour s'en convaincre. « Ils ont une vraie complicité. Chacun est dans son rôle et respecte l'autre. Lorsque l'un d'eux s'arrête de parler, l'autre peut continuer la phrase », observe Thierry de la Tour d'Artaise, président de SEB et administrateur indépendant de Legrand. Les deux hommes sont généralement d'accord, mais s'organisent parfois de petits jeux de rôle pour traiter toutes les facettes d'un dossier.
Une autorité naturelle
Olivier Bazil reconnaît que Gilles Schnepp s'est aisément imposé comme P-DG : « Les gens venaient vers lui. Il a une autorité naturelle, sans jamais dire un mot plus haut que l'autre. C'est une autorité de compétence. »Cette autorité ne s'exerce pas de façon dictatoriale : Gilles Schnepp écoute ses collaborateurs avant de décider. « Personne n'est terrorisé à l'idée de venir le voir. Le travail se fait dans une ambiance détendue, c'est le premier à proposer de prendre un café », ajoute Olivier Bazil.
Mais le P-DG reste très exigeant envers ses salariés, comme avec lui-même. D'où une certaine impatience qui s'apparente à de la détermination. « Ce n'est pas tyrannique, c'est plutôt la contrepartie des responsabilités qui me sont confiées », estime-t-il.Le dirigeant est très actif, et attend des résultats. Il passe le tiers de son temps à l'étranger et enchaîne les réunions de 6 heures du matin à tard le soir.
Ce travail prenant laisse peu de temps au père de famille pour sa femme et ses trois enfants âgés de 14 à 20 ans. Ceux-ci habitent Paris, tandis que lui est à Limoges. Quand il est avec eux, il en profite pleinement, en gardant un rythme soutenu. « A la maison, on m'accuse parfois d'être à la limite de l'hyperactivité », lance-t-il. C'est en effet l'endroit où Gilles Schnepp s'accorde de sortir de son image un peu lisse de P-DG. Il pratique presque tous les sports « pour l'effort » et ne refuse pas une partie de tennis avec son fils. Il aime aussi chiner et s'intéresse à la décoration. Ce loisir se concilie bien avec l'activité de Legrand, dont les interrupteurs sont réalisés dans des matières toujours plus originales. Pour le show-room du groupe, une maison complètement équipée, Gilles Schnepp a d'ailleurs insisté pour faire appel à un designer.
A l'aube de ses 50 ans, dont dix-huit ans chez Legrand, Gilles Schnepp se verrait bien y rester. « J'ai encore de nombreux projets à réaliser, et j'y prends beaucoup de plaisir, confie-t-il. Le jour de mon pot de départ, j'espère juste que j'aurai réellement contribué à faire avancer l'entreprise. »