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« Jeune homme, on me disait joueur. Quand mes affaires ont prospéré, je suis devenu spéculateur. Maintenant, on m'appelle banquier. Or, tout ce temps, je n'ai fait que la même chose. » Pour sir Ernest Cassel, banquier personnel d'Edouard VII, le caractère ludique de la spéculation ne faisait aucun doute. La spéculation boursière ne consiste-t-elle pas, au final, à tenter d'anticiper l'avenir en prenant des risques ? Le spéculateur qui achète à bas prix des titres bradés n'est-il pas reconnu comme celui qui ose prendre des risques en pariant sur un rebond ultérieur ? Acheter aujourd'hui des actions relève-t-il du pari ou du pronostic ? A toutes ces questions, il est bien difficile de répondre de manière tranchée. S'il était possible d'établir un parallèle entre la Bourse et le jeu, alors il s'agirait peut-être d'un jeu de stratégie, mais en aucun cas d'un jeu de hasard. Il ne s'agit pas de parier, mais d'investir sur le long terme Si l'on accepte la définition selon laquelle les jeux de hasard ne laissent aucune place à l'habilité ou à la réflexion, la Bourse ne peut-être considérée comme un jeu purement aléatoire. On dénonce souvent la « Bourse casino » et on l'assimile parfois à une loterie, mais a aucun moment l'investisseur aussi imprudent soit-il ne s'en remettra au hasard ou à la superstition pour arrêter son choix sur telle ou telle valeur boursière. L'idée de chance peut tenir sa place dans l'inconscient du spéculateur, mais elle n'a a priori pas lieu de citer dans une opération boursière. Bâtir un portefeuille d'actions demande du travail, de la réflexion. Il s'agit de répartir les risques, de déterminer les actifs ou les valeurs qui sont le plus à même de profiter d'une conjoncture économique donnée. L'investisseur doit donc mener une réflexion approfondie en amont, réflexion qui, sur le long terme, doit porter ses fruits en dépit d'éventuelles secousses sur le court terme. Il ne s'agit plus de parier sur une valeur en croisant les doigts mais d'investir dans une société car on estime qu'elle a toutes les chances d'apporter satisfaction. Cette démarche réfléchie est également appliquée dans les jeux de stratégie dans lesquels le joueur développe une analyse. Il use de techniques de jeu, comme le calcul de probabilités au bridge, il doit aussi faire preuve de psychologie. Il ne s'agit plus de parier mais de pronostiquer. S'il est un jeu qui offre de nombreuses similitudes à la Bourse, c'est les courses. Sur un champ de courses, se côtoient des amateurs qui tentent leur chance avec quelques euros et des propriétaires qui gèrent leur écurie comme un placement. Ils connaissent parfaitement les chevaux ainsi que les conditions d'entraînement, et disposent d'informations que les autres n'ont pas. En Bourse, il n'existe aucune martingale Comme en Bourse, il s'agit de prendre en compte de nombreux paramètres (préparation du jockey, palmarès récent du cheval, cote...) avant de miser sur un cheval. Les paramètres sont nombreux, et la réflexion est indispensable pour qui veut mettre le plus de chances de son côté, sans pour autant pouvoir lutter contre l'aléa. Par ailleurs, s'agissant d'un jeu complexe, il n'existe aucune martingale permettant de gagner à tous les coups. Le parallèle entre la Bourse et les chevaux s'arrête là. Car s'il peut fonctionner pour la spéculation à court terme, il n'est plus opérationnel dès qu'il s'agit de placements financiers où il est question de stratégies de diversification de ses placements et de choix des valeurs sur des critères de long terme. Eviter de subir les événements Les stratégies de diversification des risques nécessaires pour intervenir en Bourse sont précisément destinées à éviter de se trouver dans la situation du joueur de hasard qui mis tous ses oeufs dans le même panier et qui se trouve obligé de subir les événements sans possibilité de réaction. Celui qui a pris soin de consacrer une place importante de son portefeuille aux placements monétaires et qui a misé de façon plus marginale sur l'or ou les matières premières se trouve aujourd'hui en situation nettement plus confortable qui celui qui est resté totalement investi en actions. Car quel que soit le soin que vous mettrez à sélectionner les meilleures valeurs de la cote, il est très difficile de sortir totalement indemne d'un marché baissier. Il faut également savoir se remettre en question et changer de stratégie si les circonstances vous y obligent comme c'est le cas aujourd'hui. La semaine prochaine : l'activisme, une pratique inhérente au jeu.