Avec plus de 3.200 milliards de dollars échangés chaque jour, selon la dernière étude de la Banque des Règlements Internationaux, le marché des changes est le premier marché financier du monde. Ses volumes gigantesques dépassent largement ceux des marchés actions ou futures.
En réalité, le marché des devises est au centre d'une incroyable spéculation. Seulement « 5 % du volume journalier provient d'entreprises ou de gouvernements qui achètent ou vendent des produits et services dans un pays étranger », souligne Pierre-Antoine Dusoulier dans un ouvrage récent consacré au marché des devises. Le reste, c'est-à-dire l'énorme majorité des échanges, relève de la recherche de plus-values.
Ce marché de gré à gré est animé par les banques via des plates-formes comme EBS ou Reuters Dealing, mais aussi des courtiers et des fonds, spéculatifs ou non.
Les considérations de court terme et la spéculation ne doivent pas faire oublier tous les enjeux politiques et économiques du marché des changes. Il est d'ailleurs symptomatique d'entendre Nicolas Sarkozy dénoncer la faiblesse du dollar et parler de risque de « guerre économique ». Il faut dire que l'euro reste proche de son record, établi à 1,4967 dollar en séance. De quoi pénaliser des entreprises comme Airbus, Zodiac, Lafarge, L'Oréal..., la liste est longue.
Les enjeux économiques sont clairs. Une monnaie faible oblige à acheter au prix fort des matières premières indispensables à la vie du pays. Dans le même temps, elle permet d'exporter plus facilement biens et services.
A l'inverse, une monnaie forte conduit à payer moins cher ses importations et à payer plus cher ses exportations.
Faiblesse persistante du yuan et du dollar
Autre sujet tout aussi brûlant, la sous-évaluation de la monnaie chinoise, le yuan. Certains intervenants n'hésitent pas à en profiter. « Je joue clairement une appréciation du renminbi par rapport au dollar. Il est logique que les autorités chinoises veuillent laisser la parité inchangée avant les Jeux olympiques. Après cette échéance, le yuan pourrait s'envoler », expliquait ainsi Jim Rogers, célèbre spéculateur américain, sur la chaîne CNBC en début d'année.
Ce dernier n'hésite d'ailleurs pas à se montrer très négatif sur le billet vert en général. Il profitera de tout rebond du dollar pour revendre les derniers qu'il détient encore et lui préférer une devise comme le franc suisse.
Il faut dire que le « tableau » du dollar n'est guère flatteur. Entre la nouvelle baisse des taux que pourrait décider la Réserve fédérale et les craintes de récession aux Etats-Unis, les motifs d'optimisme restent peu nombreux. Sans oublier l'importance des déficits commercial et budgétaire.
De plus en plus, le rôle de monnaie de réserve du billet vert est remis en cause. L'attitude de la Chine sera décisive. L'utilisation des 1.530 milliards de dollars de réserves de change et des innombrables obligations d'Etat américaines détenus par Pékin sera déterminante.
Cette faiblesse du dollar a aussi des répercussions politiques importantes dans des zones sensibles. Au Moyen-Orient, le cours du riyal saoudien ou du riyal du Qatar en dollars détermine la majeure partie des revenus des pays largement exportateurs de pétrole. La baisse continue du billet vert les affecte directement.
Ces monnaies sont cependant des cas particuliers car elles sont liées directement au dollar. Le système le plus répandu est celui des taux de change flottants. Il rend les interventions très difficiles sur le marché des changes.
Les banques centrales n'interviennent d'ailleurs que rarement, hormis la Banque du Japon pour soutenir le yen. Les volumes sont tels que l'intervention a surtout un impact psychologique sur le marché.
Cette quasi-impuissance pose problème, car le sport favori des spéculateurs est de faire du carry trade. Cette pratique consiste à emprunter dans une devise à faible taux d'intérêt (comme le yen) pour acheter une monnaie avec un fort taux d'intérêt. Elle a une réputation sulfureuse.
Le cas de L'Islande est souvent cité. En février 2006, en une seule séance, la couronne islandaise a perdu 10 %, après une note négative de l'agence de notation Fitch. « Pour les fonds qui se sont positionnés tôt et ont pu sortir à temps, l'épisode n'a pas été trop négatif. En revanche, pour tous ceux qui avaient suivi le mouvement et ont vendu dans la panique, l'affaire a tourné à la catastrophe », explique un trader d'options sur devises chez HSBC. Malgré cette affaire, le taux directeur de l'Islande continue de faire saliver certains investisseurs.
L'essentiel, dans un carry trade, est en réalité de trouver le bon point d'entrée. Une stratégie sur la livre turque (taux d'intérêt entre 16 et 19 %) face au yen (0,5 %) peut encore être mise en place.
Le marché des changes séduit de plus en plus de particuliers
Les particuliers s'intéressent de plus en plus à ce marché qui ne manque pas d'atouts. Peu à peu, le marché des changes trouve grâce à leurs yeux. La liquidité y est incroyable si l'on regarde les quantités traitées et l'écart entre le cours d'achat et de vente sur une paire de devises comme l'euro/dollar (0,0002).
Les conditions d'intervention sont pratiquement équivalentes à celles d'un trader professionnel. Surtout, les courtiers en devises proposent aux particuliers de jouer la hausse d'une monnaie par rapport à une autre avec de l'effet de levier. Pour dormir tranquille, nous déconseillons d'aller au-delà de 10. En clair, si la paire de devises prend 1 %, vous gagnez 10 %. Si vous ne respectez pas des règles précises de gestion, vous risquez de rejoindre les rangs des déçus du marché des changes, qui sont malgré tout nombreux.
Néanmoins, malgré les progrès des dernières années, le marché des changes a encore besoin de se démocratiser. En effet, de nombreux particuliers pensent d'abord aux quelques billets verts qu'ils détiennent à la suite d'un voyage aux Etats-Unis. Ils semblent ignorer que l'on peut spéculer sur les devises, ou plus simplement diversifier ses avoirs.
Autre cas, les salariés de grandes entreprises américaines installées en France se désolent de voir la performance de leurs actions préférentielles amputées par la baisse du dollar. Bien renseignés, ils auraient pu couvrir leur exposition.