JDF |

Quand vous êtes aux commandes d'un hélicoptère, que vous tenez le manche, et que vous avez la responsabilité d'un ou de plusieurs passagers, vous mesurez à quel point la moindre faute peut être fatale, la moindre inattention aussi ! » L'homme qui parle ainsi aime les défis. Attablé au bord d'une Méditerranée ensoleillée par les premiers éclats de lumière d'un zénith printanier, Régis Arnoux, patron de CIS (comme Catering International & Services), se remémore le parcours qui l'a conduit à créer il y a quinze ans cette entreprise.

Né il y a près de soixante-dix ans à Marseille, cet entrepreneur, qui s'est notamment illustré en recevant en 2002 le Prix de l'Audace Créatrice décerné par Le Journal des Finances et remis en mains propres par Jacques Chirac, revendique fièrement son appartenance à la cité phocéenne. « Marseille, on peut l'aimer ou ne pas l'aimer, mais cette ville ne laisse pas indifférent », assure Régis Arnoux. Il faut dire qu'il porte la deuxième ville de France dans ses gènes, avec un grand-père maternel qui a inventé la formule chimique du « véritable savon de Marseille ».

Un chiffre d'affaires fait entièrement à l'international

Mais Marseille est avant tout une ville de mélanges, un vrai port. Et lorsque ce fils de médecin doit choisir un métier, il est davantage attiré par les horizons maritimes que par une vie rythmée au gré des clapotis du Vieux-Port. Après des études de droit, il entre au Crédit Universel, puis rejoint un groupe familial spécialisé dans la logistique auprès des grands chantiers internationaux. Le voilà, à peine trentenaire, chargé d'établir toutes les fonctions supports du pas de tir de Kourou, en Guyane, pour le Centre national d'études spatiales. Il est d'emblée à la tête d'une équipe de 300 personnes, de différentes nationalités. La vie est rude, les conditions sont extrêmes. Certains jours, il y a même des bagarres entre ouvriers qui se soldent par des blessures mortelles. Mais Régis Arnoux découvre l'importance de la logistique au sein des grands chantiers internationaux.

Après la Guyane, c'est la Nouvelle-Calédonie, où il crée une filiale qui rayonne sur l'ensemble du Pacifique, tout en développant pour les employés des mines de nickel une activité parahôtelière. Sa voie est tracée : entre ces chantiers de l'impossible et la nécessité d'offrir aux ouvriers des conditions de vie, de logement et de nourriture décentes, il mesure l'importance de ce marché qui se développe à peine. C'est pourquoi, rappelé en France à la direction des affaires internationales de la SHRM, il sent vite la nécessité de prendre son indépendance en profitant de son expérience. En 1977, il crée à parité avec Spie-Batignolles, alors filiale du groupe Empain-Schneider, la Compagnie Internationale de Restauration, qui trouve vite son envol. Mais Spie devant affronter certaines difficultés, il lui faut trouver un nouveau partenaire : ce sera Accor, puis Sodexho, qui reprend la totalité du capital. Régis Arnoux, le Marseillais, se retrouve au côté de Pierre Bellon, le Marseillais, auquel il voue une très grande admiration. Mais le démon de l'indépendance le démange à nouveau. Et après quatre années sabbatiques liées à une clause de non-concurrence pendant lesquelles il apprend à piloter des hélicoptères, il crée en 1992 une nouvelle société. C'est l'avènement de CIS.

Aujourd'hui, l'entreprise de Régis Arnoux affiche un chiffre d'affaires de près de 93 millions d'euros, en amélioration de 66 % par rapport à celui de l'exercice précédent. Les résultats qui seront bientôt publiés ne devraient pas décevoir les actionnaires. Et le groupe est désormais présent dans vingt et un pays, qui ne sont pas ceux où les hôteliers classiques se dirigeraient spontanément : le Kazakhstan, l'Ouzbékistan, le Cameroun, le Tchad, la Mauritanie, le Venezuela ou le Pérou.

C'est là que, grâce à l'augmentation des prix du baril et de l'ensemble des ressources minières, les chantiers se développent. Et chacun d'entre eux constitue une opportunité pour CIS de fournir la restauration, l'hôtellerie, le confort, l'hygiène et la sécurité dans les conditions les plus inhospitalières.

Coté en Bourse depuis 1998, CIS affiche aujourd'hui une valorisation boursière de 73 millions d'euros, avec un cours de Bourse qui a progressé de 44 % en l'espace d'un an. Régis Arnoux n'en garde pas moins les pieds sur terre.

Il s'inquiète de voir les jeunes Français attirés soit par la fonction publique, soit par l'exil à l'étranger ; lui qui a tenu coûte que coûte à ce que son entreprise reste basée à Marseille, alors que la totalité du chiffre d'affaires provient de l'international. Et il est prêt à prendre son bâton de pèlerin pour défendre les valeurs humanistes de l'entreprise auprès des étudiants, des lycéens, voire des politiques. N'est-il pas le champion de la réussite en milieu hostile ?