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Nous sommes entrés dans « l'ère des seniors » - expression forgée par l'acteur américain Clint Eastwood. Les seniors possèdent un pouvoir économique impressionnant, avec un patrimoine moyen qui est le double de la moyenne nationale, proportion qui pourrait atteindre les deux tiers en 2020 ! C'est vers la même époque - 2017 exactement - que ces mêmes seniors vont, par leur nombre, devenir électoralement majoritaires : leur population, de 25 millions de personnes, sera supérieure de 2 millions à l'électorat des moins de 50 ans. « Que vont-ils faire de leur pouvoir ? », c'est la question que pose François de Witt dans un livre au titre provoquant : Appauvrissez-vous !

Vous alléguerez qu'en ces temps de fisc « confiscateur », d'arrondis dévoreurs de pouvoir d'achat et de dépenses qui galopent quand les recettes marchent au pas, il ne faut pas beaucoup d'imagination pour s'appauvrir. Mais le talent de l'auteur, descendant direct de Guizot, consiste non seulement à paraphraser son aïeul, mais à nous montrer que, si l'on doit s'enrichir, ou du moins essayer, pendant les deux tiers de notre vie, le dernier tiers doit être consacré à distribuer une partie de cette épargne et à mieux gérer nos besoins et ceux de nos descendants.

Mais, en devenant vieux, nous devenons pingres ! Nous redoutons les lendemains d'un futur qui pourtant se rétrécie. Selon un sondage Ipsos réalisé pour le dernier et récent congrès des notaires, une large majorité des Français (60 %) estiment que la donation de son vivant est une meilleure solution que l'héritage à l'heure de sa mort. Cette proportion s'inverse pour ceux qui ont dépassé 70 ans. Alors, va-t-on vers cette guerre des générations dont on parle comme jadis on évoquait « le péril jaune » ? François de Witt évoque deux scénarii : l'ère des seniors dominateurs, ou bien celle de la place aux jeunes. Dans le premier, la croissance se traîne, l'épargne est élevée, l'Etat finance facilement ses déficits, mais les placements en action sont limités. « A ce propos, certains économistes, rappelle François de Witt, prévoient que le vieillissement aura des effets dépressifs sur la Bourse, car les retraités auront besoin de leurs capitaux. » L'autre scénario, qui suppose que les plus âgés acceptent une perte d'influence au bénéfice des plus jeunes, se caractérise par une croissance plus vigoureuse, une demande de crédits plus soutenue, un taux d'épargne en recul et un marché boursier probablement plus alerte.

François de Witt nous fait visiter - peut-être un peu longuement - une galerie de portraits où la vieille servante, qui meurt à la stupéfaction générale sur un tas d'or, croise la veuve d'un général qui distribue sa fortune à ses enfants. Mais la visite en vaut la peine. La thèse du livre est que, plutôt que de continuer jusqu'à sa mort à épargner, il vaut mieux s'assurer pour faire face aux besoins qui viennent avec le temps et distribuer ce dont on n'a pas - ou plus - besoin à ses enfants. Il ne faut pas donner trop tôt car la vie après 60 ans est encore pleine de surprises, le bon âge, selon François de Witt se situe aux alentours de 75 ans. Un des passages de ce livre des plus passionnants est celui où l'auteur nous démontre que si nous ne faisons rien, c'est le fisc qui sera notre héritier le plus comblé. Dans le match entre héritage et donation, le favori de ce livre est la donation, et l'auteur plaide pour que les mesures prises par Alain Lambert soient pérennisées.

La boutade du notaire qui déclare : « Je conseille à mes clients de vivre riches et de mourir pauvres », justifie à elle seule la lecture de l'ouvrage de François de Witt, qui est publié aux éditions François Bourin.